Qu’il s’agisse de gastronomie ou de cuisine du quotidien, la dégustation des coquillages occupe toujours une place de choix chez tout « gourmet » digne de ce nom. Mais, derrière le plaisir des papilles, dans chaque moule et dans chaque huître, se cache une somme de travail, de technique, de savoir-faire, de patience et, bien souvent, de courage qui font de la conchyliculture (élevage des coquillages) un métier à part.
Les coquillages : une très vieille histoire d’amour
L’homme préhistorique pratiquait déjà la récolte des huîtres sauvages. Mais, les plus anciens témoignages d’une mise en culture partielle des huîtres remontent au Ier siècle, durant l’antiquité romaine.
L’étang de Thau a toujours réuni les meilleures conditions pour permettre aux huîtres (seule l’huître plate est présente en Méditerranée à l’époque) de prospérer. Les Romains adoraient les coquillages et ont développé, de façon empirique, des techniques d’élevage qui se sont affinées au fil des siècles. Des fouilles archéologiques sur la villa gallo romaine de Loupian et sur les rives de Thau attestent des prémices d’une activité ostréicole.
La culture des moules (mytiliculture) ne serait, quant à elle, apparue qu’entre le IVe et le Ve siècle.
La naissance de la conchyliculture moderne
Les véritables bases de la conchyliculture moderne remontent à seconde moitié du XIXe siècle. Les huîtres sont alors élevées sur des systèmes de radeaux flottants installés dans les canaux de Sète. Mais, pour des raisons sanitaires, les concessions doivent s’exporter vers les eaux plus propres du nord de l’étang, à Bouzigues et à Mèze.

C’est en 1925 qu’un entrepreneur en maçonnerie, Louis Tudesq, a eu l’idée d’élever les huîtres en suspension sur des structures en béton en forme de pyramide. Ces installations très lourdes seront ensuite remplacées par les tables implantées dans l’eau. Les huîtres sont d’abord collées avec du ciment sur des barres de palétuvier (bois imputrescible) puis, depuis une trentaine d’années, sur des cordes synthétiques. La conchyliculture moderne était née.
1970, année du « remembrement »
Après 1945, la conchyliculture se développe sur l’étang de Thau de façon importante mais anarchique. Une réorganisation des zones conchylicoles, le « remembrement » se met en place dès 1970. Elle établit le nombre, la disposition et la standardisation des structures d’élevage telle qu’elle existe aujourd’hui. Les « tables » sont alignées, leur dimension est normalisée à 50 m x 12 m. Elles comportent chacune 33 pieux (des rails de chemin de fer) plantés sur le fond de l’étang. Le nombre de cordes par tables varie entre 1 000 et 1 200.

Aujourd’hui, 2750 tables sont implantées dans l’étang de Thau. Cela représente une surface de concessions de 352 hectares. Actuellement, aucune extension des zones cultivées n’est possible.
Conchyliculteur aujourd’hui
Depuis bientôt un siècle, l’image du bassin de Thau est totalement associée à la culture des coquillages. Elle en a modelé le paysage, dynamisé l’économie, façonné l’identité de son terroir… Cela est encore plus vrai à Mèze où l’on dénombre plus de 150 exploitations, pour la plupart regroupées au port conchylicole du Mourre Blanc, le plus important de Méditerranée.
Les mille et une tâches du conchyliculteur
Autrefois simple et très artisanale, la conchyliculture actuelle a particulièrement évolué. Certes, les conditions de travail se sont sensiblement améliorées avec le relevage des cordes mécanisées pour hisser les coquillages dans les barges et les équipements modernes dont disposent les mas. Mais le métier reste difficile et requiert toujours une véritable habileté manuelle.
La grande majorité des exploitations mézoises sont de petites entreprises familiales. Le conchyliculteur doit donc, aujourd’hui être en mesure de cumuler les compétences : les techniques d’élevage, bien sûr, l’entretien des tables, la connaissance et le respect de normes européennes sanitaires et environnementales de plus en plus exigeantes, la préparation du produit avant la vente, la commercialisation… Ils sont à la fois patrons, ouvriers, commerciaux, garants des qualités gastronomiques et sanitaires de leurs produits. La plupart pratique à la fois l’ostréiculture (élevage des huîtres) et la mytiliculture (élevage des moules).

Un métier qui évolue avec son temps
La conchyliculture est aussi une profession qui sait regarder vers l’avenir et s’ouvrir aux évolutions techniques. L’exondation automatisée (mise hors d’eau temporaire des huîtres améliorant la qualité de la chair et des coquilles) ou encore le captage naturel des larves sont actuellement testés.
Autre nouveauté : la dégustation sur les lieux de production vient d’être officiellement autorisée par l’Etat. Désormais, les conchyliculteurs pourront proposer aux visiteurs de consommer, dans leur mas, des huîtres, des moules, des oursins ou des palourdes, de découvrir les joies d’une bonne brasucade, le tout, accompagné d’un bon vin du terroir.
Une profession qui dépend de la qualité du milieu naturel
Pour garantir au consommateur un produit parfaitement sain, naturel et authentique, pour assurer, tout simplement l’avenir de leur profession, les conchyliculteurs sont particulièrement attentifs à la préservation de la qualité du milieu lagunaire. Les pratiques ont largement évolué en ce sens et, aujourd’hui, les professionnels conchylicoles sont devenus à la fois les sentinelles et les premiers protecteurs de la qualité du milieu. Ils bénéficient pour cela, d’un très important soutien des collectivités locales en matière de gestion des effluents du bassin versant, d’amélioration des réseaux d’assainissement, de collecte, de traitement et de valorisation des déchets de production, mais aussi d’un contrôle permanent de la qualité du milieu et du produit mené par l’IFREMER et les différents services compétents de l’Etat.
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